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L’Éclat des TÉnÈbres
Quand j’ai rencontré son œuvre, il y a plus de vingt ans, Serge Boularot peignait volontiers des oiseaux, puis il a peint des sols, comme s’il lui avait fallu passer d’un pôle ou d’un élément à l’autre, et sans doute n’est-ce pas un hasard si le mythe d’Icare l’a inspiré : ce sont des corps qui maintenant le fascinent, qu’il ne se lasse pas d’interroger.
Je résume une évolution qui a sa logique propre, Serge Boularot sait bien qu’il faut lui obéir à la fois fidèlement et en toute conscience : une œuvre, une passion sans cesse de découvrir et de s’ouvrir. En fait, après 2000, après son séjour à Rome, Serge Boularot n’a pas vraiment changé, il a donné libre cours au mouvement qui dès l’origine l’animait, le besoin d’un trait qui ne cerne jamais, qui ne sépare pas l’intérieur de l’extérieur d’une forme, qui fait tressaillir les couleurs, celui de même de repousser les limites d’une toile et surtout celui de multiplier les approches en ayant recours à des techniques nouvelles, en particulier ces dernières années la sculpture ou plutôt la céramique.
L’emploi de la céramique a lui aussi exigé un développement de moins en moins timide : les figurines du début sont devenues torses et personnages. Des corps, seulement des corps nus, ce qui dans les peintures était déjà évident l’est davantage à présent. À une exception près, ils n’ont pas de tête : Serge Boularot ne veut se rendre qu’à l’essentiel, et l’essentiel, |
ce sont ces épaules ou ces poitrines qui se dégagent à peine de la terre et de la mémoire, une terre sombre, une mémoire tragique. L’anonymat qui est le leur nous rappelle à notre destinée d’êtres mortels, souffrants. Il ne subsiste des épreuves qu’ils ont endurées que des lambeaux : la peau est arrachée, voici que la chair est montrée, dans sa profondeur, dans sa nuit. Pourtant ces « corps révélés », comme les nomme Serge Boularot, ne restent pas figés : ce qui les a lacérés, pénétrés, troués, continue d’agir, mais ils résistent, ils témoignent d’une vivacité d’autant plus tenace qu’elle est d’une fragilité extrême.
Les gestes du céramiste sont différents de ceux du peintre, plus patients, précaires, toujours prêts à se rompre sans retour en arrière possible. C’est pour cela que Serge Boularot les aime. Tantôt il utilise l’oxyde de fer, tantôt l’oxyde de cuivre qui procurent au grès ces nuances de rouille ou de basalte, et il n’est pas indifférent de savoir que les terres sont cuites à de très hautes températures. Dans ces choix, dans une telle pratique, toute une symbolique se révèle, en accord avec la démarche même de l’artiste, qu’il s’agisse de sculpture ou de peinture, comprendre les grandes forces qui pourraient nous détruire, saisir de justesse ce qui soudain les suspend, l’éclat des ténèbres, l’esprit de la matière.
Pierre DHAINAUT,
2008 |
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Dans les oeuvres de Serge Boularot, le vide et le plein se confrontent, s'affrontent, se questionnent.
Les cages thoraciques s'ouvrent vers le ciel, espérant quelque chose, assises sur des bassins et des jambes solides et en correspondance avec la terre. Les coeurs carrés ou ronds interrogent en s'offrant à notre regard. La base des sculptures sont sûres d'elles mêmes, inébranlables et portent au dessus d'elles le doute, l'hésitation, l'esquive, l'ouverture vers de multiples questions
La peau céramique granuleuse, lisse ou sinueuse, garde des secrets obscurs pénétrés de traces et d'empreintes de vie. La couleur fait appel aux nuits tourmentées, à l'absence de lumière. C'est dans la nuit que les secrets sont révélés, que les rêves naissent. L'obscurité du Raku, témoigne du passage du feu et de la carbonisation, la trace de la force et de la chaleur.
Sculptures et peintures fortes sur leurs jambes, solides et décidées sont l'écho des corps en mouvements, luisant, brillant sous les lumières, du plateau du festival.
Fabienne BRIOUDES,
2008 |
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Regard sur Serge boularot
C'est sous le signe du poème
que pour la première fois j'ai rencontré Serge
Boularot. II venait de réaliser toute une série
de dessins à partir d'un choix de mes textes : ce geste
me toucha, bien sûr, et davantage la complicité
dont il témoignait. Le trait me convenait, aussi net
que possible et ardent, qui n'encombre pas la feuille, qui respire
parce qu'il permet autour de lui de respirer. Au Nord des souffles
fut notre premier livre. Mais à bien d'autres poètes
Serge a offert de telles images qui ont mieux à faire
qu'à illustrer, elles s'accordent et elles prolongent
: À l'instant du chant, l'oiseau... Les toiles de Serge
alors (il y a dix ou douze ans) étaient volontiers exposées
sous le titre de Territoires. Non pas des paysages, à
proprement parler, tout de suite identifiables, mais des réseaux
de strates ou de parcelles, ici épaisses, là déliées,
qui semblaient apparaître de différentes hauteurs
: en fait, ils émergeaient de la matière picturale
comme de la mémoire rendue vivante. Pour Serge, quels
que soient les moments que l'on peut introduire dans sa démarche,
quelles que soient également les techniques dont sans
cesse il explore les ressources - peintures à l'huile
ou à l'acrylique, pastels, papiers déchirés
et coloriés devenant des sculptures fragiles, céramiques
récemment -, |
l'acte doit être en permanence créateur.
Serge ne décide pas à l'avance, il ne choisit
pas ce qu'il est convenu d'appeler un sujet, toujours restrictif,
il n'imite pas : il fait confiance. « Rien d'autre, dit-il,
que l'épiphanie de l'oeuvre. » Ou encore :
«La peinture devient peu à peu le sujet d'elle-même.
» Être fidèle au processus de création,
ne rien lui ajouter qui serait de l'ordre du savoir, obéir
à son exigence - en cela peintres et poètes se
ressemblent-, ce n'est pas s'y enfermer ou s'y complaire. Pleinement
visible, la surface, que les mouvements de la main ont si longtemps
animée avec les couleurs (une seule parfois portée
à la plus fascinante intensité), s'entrouvre.
De cette façon seulement seront évoqués
les sols, par exemple, les visages, les corps. Devons-nous
les nommer ? Ils sont présents puisqu'ils n'en finissent
pas de surgir, de dire leur origine.
Serge Boularot est le peintre
de l'accueil et du secret.
Pierre DHAINAUT,
Retroviseur n°79 |
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Le Sens du Chaos
Serge Boularot est un coloriste.
Il ne demande pas à la couleur de se soumettre à l’imitation des choses mais de traduire
une émotion comme Rubens ou Van gogh qui disait : « Je veux, par le rouge et le vert, exprimer les terribles passions humaines.».
Mais la couleur, pour le peintre, c’est aussi une matière dont il n’a pas à avoir honte.
Elle s’exhibe ici en couches transparentes, très ténues, apaisante ou en relief épais, dur, puissant.
L’outil n’a pas à se cacher. Le pinceau laisse la trace de ses poils qui démultiplient les effets plastiques.
Il retient et révèle l’énergie déployée par l’artiste. Le geste pourra être selon les endroits et les oeuvres fulgurant ou appliqué.
La peinture est un champ d’actions, de luttes entre tous les éléments convoqués les uns après les autres par l’artiste
jusqu’à ce qu’ils trouvent un point d’équilibre entre leurs tensions.
La peinture de Serge Boularot est constituée d’une multitude de signes,
d’images abstraites qui s’offrent au regard, qui circulent sur la surface de ses toiles.
De très près, immergé dans l’espace pictural, un film se déroule image après image pour que se constitue la figure qui émerge de ce chaos organisé.
L’artiste a-t-il un jour cherché autre chose que de donner du sens au chaos ?
Alain RÉVEILLON,
1996 |
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La chair n'est pas toujours
rose
D'habitude,
la chair humaine est plutôt rose. Et pourtant... Les enfants
sont souvent perplexes devant leur boite de crayons. Rose pâle,
rose vif, jaune ? Selon leur choix, l'individu devient asiatique,
indien, ou bien pris de boisson, victime d'une émotion
forte, d'une crise de foie ou hâlé par le soleil.
Le pinceau de Serge Boularot bouscule les habitudes et nous
fait voir des corps nus de toutes les couleurs. Un autoportrait
du peintre, grandeur nature, dessiné au crayon sur
papier blanc, accueille le visiteur. Un corps blanc, asexué
et glabre, une simple forme, un mannequin. Seul le visage est
détaillé, comme pour une photo d'identité
judiciaire ou un portrait souvenir exécuté sur
un lieu touristique. Reconnaissable, mais sans vie.
Tous les autres corps, une vingtaine, sont à l'opposé
de cet autoportrait qui n'est là que pour rappeler ce
à quoi nous sommes souvent réduits, le visage
et son expression. Ailleurs, les
traits du visage sont abolis, la tête seulement esquissée,
en prolongement du cou, comme une excroissance échevelée.
Les jambes, les pieds, les bras, les mains, le sexe masculin
sont souvent tracés, de façon plutôt académique,
anatomique, à la manière de la statuaire gréco-
romaine. |
Les contours, les mouvements sont ébauchés.
Pieds en apesanteur, corps sautant sont l'exception. L'homme
est immobile, de face, livré à notre regard. La
bataille se joue à l'intérieur de ces torses,
de ces abdomens, de ces cous, de ces crânes. Une géographie
des humeurs, émotions, sentiments et sensations se dessine
à grands traits. Océans calmes et bleus, orages
orangés, lumière douce, clairs-obscurs.
Sous la chair, à la place des entrailles et des viscères,
la peinture crée d'étranges paysages sur- réels.
La matière, épaisse
ou fluide, posée sur la toile, peut évoquer
des liquides ou substances internes, sang, sueur, moelle,
graisse, sperme, larmes, lait. Les « vides » suggèrent
le souffle. Le tout bat et palpite aux rythmes du coeur. Sous
la carapace, la joie, la colère, l'amour, le chagrin,
l'oubli. Certains y verront des bêtes plus que des hommes,
Les « titans » géants sont-ils encore hurnains
? Donner à voir les forces obscures qui nous animent
n'est pas le moindre mérite de ces peintures.
Catherine QUETELARD,
La Voix du Nord, 23 mars 2002 |
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Des « corps rÉvÉlÉs
» tels qu'en eux-mÊmes
Les torses, les corps peints par Serge Boularot sont plus
masculins, plus réels, à l'échelle humaine
parfois. Après l'atelier 2, il expose ses derniers travaux
à la galerie Kfé 37. L'atelier Wicar
à Rome où l'artiste a séjourné six
mois, a inspiré, nourri, influencé à bon
escient Serge Boularot. Dans la ville éternelle, l'art
omniprésent avec la statuaire antique, le Caravage
l'ont poussé à s'exprimer avec plus de
monumentalité. Mais, les corps d'hommes ne l'intéressent
pas pour leur identité propre mais pour leur présence,
non pas pour leur enveloppe charnelle mais pour leur essence,
leur intériorité. En tout cas, les voici de
nouveau réels dans leur chair s'imposant avec force,
sans visage car ils pourraient, dit l'artiste, faire dériver,
détourner l'attention de la puissance d'un corps qui
se suffit à lui-même pour témoigner. |
Des
corps archétypes avec une réelle matière
mais aussi un psychisme, une âme. La couleur influencée
par le ciel céruléen italien prend parfois dans
ses huiles sur papier des couleurs séraphiques, bleu,
rose, les colore encore d'ombre et de lumière. Outre
ses Effigies, ses Thumos (l'esprit, la conscience selon Homère )
de format plus réduit expriment,
là encore, le souffle qui anime le corps humain. On appréciera
aussi le travail d'échange avec son ami sculpteur Pierre
Charlon qui, lui, paradoxalement, a choisi le thème du
visage...
Geneviève
ROUSSEL, La Voix du Nord, 15 novembre
2002 |
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La couleur de l'Émotion
Mardi après-midi. Serge Boularot
arpente la vaste salle de l'espace Brel, au centre Staquet.../
...Environ 200 œuvres sont accrochées, mêlant très petits
et très grands formats, comme pour obliger le visiteur à bouger,
à prendre du recul ou à entrer de plein corps dans ces peintures
très charnelles qui parlent des émotions à travers la nudité
et le morcellement du corps humain. Ce n'est d'ailleurs pas
tant le corps qui nous parle que sa couleur. C'est elle qui
nous dit si le personnage est heureux, mélancolique, épanoui
mal dans sa peau. C'est elle aussi qui relie le personnage à
son environnement, à l'univers qui compose sa vie. Les corps,
qui semblent ne pas être finis, se perdent dans un flou coloré,
se fondent dans leur décor, s'y rattachent de manière physique.
Ils en deviennent indissociables, comme l'homme l'est de la
nature quand il sait s'en souvenir.
Au delà de l'anatomie
Il semble que le peintre ait voulu aller plus loin que l'anatomie,
qu'il ait voulu aller au cœur, prendre aux tripes, il représente
d'ailleurs souvent des ventres, des torses, des sexes d'hommes
ou de femmes. Peu de visages, ou alors si flous, comme pour
nous obliger à oublier l'intellectualité des émotions au profit
de leur dimension physique. Et c'est par la couleur que le peintre
aborde cette gageure. Un orange vibrant évoque la passion, la
fusion des corps. Des camaïeux de bleus parlent du monde du
rêve, de l'esprit, de la mythologie. Des jaunes traduisent l'inquiétude.
Des verts sombres nous approchent des abîmes dans lesquels nos
émotions peuvent parfois plonger... La couleur nous parle des
émotions, nous dit dans quelle partie du corps la vie circule,
nous invite à nous pencher sur nos propres émotions, sur la
façon dont elle s'inscrivent dans chaque partie de notre corps. |
Ce travail sur la couleur, sur
ses reliefs, ses ombres, ses reflets prend toute son amplitude
sur des grands formats, huiles ou acryliques, composés pour
la plupart pour cette exposition : "Il y a ici à la fois des
œuvres datant d'une dizaine d'années et des œuvres toutes fraîches,
que j'ai réalisées cette année, voire ces dernières semaines,
en sachant que j'allais exposer ici", explique le peintre, également
plasticien puisqu'il expose des céramiques et des porcelaines,
toujours sur le thème du corps. Corps
en souffrance
Des corps souvent meurtris, inachevés, démembrés, fragmentés.
Des corps qui évoquent la souffrance, la difficulté d'être relié
à ses émotions, à sa vie intérieure dans le tumulte du quotidien.
Serge Boularot la traduit très bien dans une série récente,
réalisée dans son atelier tourquennois, une ancienne usine de
peignage. C'est là qu'avec des panneaux recyclés, il a travaillé
le corps entravé, le geste retenu par le quotidien, par la vie
sociale qui nous lie et nous complique singulièrement la tâche
quand il s'agit d'être connecté à soi-même. De cette exposition
à Mouscron, Serge Boularot gardera sans doute l'heureux souvenir
d'avoir tâté au grand format, "une expérience qui rejaillit
sur les petits formats", estime-t-il. Il aura été très présent
dans le travail de la mise en scène des œuvres et s'enthousiasme
avec bonheur de disposer d'une magnifique salle, vaste et ouverte
à la création, pour faire découvrir son travail à ses voisins
: "Car si je suis né à Paris, voici bien longtemps que j'habite
Lille. Je donne des cours à l'école d'arts appliqués de Roubaix,
aussi." Bref, Mouscron accueille un ami.
Elisabeth JAMART,
Temps Libre, Mouscron, 31 mars 2005 |
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