mai 2008

3 mai
2008

Actualités

Matière Anatomie Couleur

A l’initiative de Maryse Devick Directrice de l’Atelier 2 à Villeneuve d’Ascq et de Jean Claude Louart Directeur de la communication du Crédit Agricole Nord de France, cette exposition rassemble un ensemble de pièces choisies par J.C. Louart. Un choix exigeant qui m’a amené à développer encore plus mon travail de sculpture et la réflexion que je poursuis depuis 2001 sur la matière de l’oeuvre (peinture, toile, papier, raku, grès, porcelaine, émaux …), et son l’influence sur les figures représentées.

Exposition visible jusqu’au 30 Juin 2008
au siège social du Crédit Agricole Nord de France
10, avenue Foch à LILLE
tous les jours sauf samedi, dimanche et jours fériés
de 9h à 19h

Un Homme debout



…une ligne verticale anime souvent les grands formats. 2 mètres «L’échange » : la taille d’un homme… Mais un homme, à la limite du lisible, qui s’efface parfois, corps blanc et translucide, un homme suggéré, qui se confond avec le champ coloré au point de s’y engloutir presque totalement. Bien plus souvent encore une femme, dont la tête est traitée allusivement, suggérant par là que la peinture échappe à l’anecdotique pour davantage évoquer l’idée du corps comme une abstraction. Dans «Apparition », le dessin du corps s’évanouit dans la texture blanche de la toile, à peine visible, en filigrane. Parfois une tache à la limite de l’abstraction rend la compréhension de l’image problématique et le spectateur se demande s’il s’agit d’un corps ou d’une ligne verticale de couleur esquissée. Un homme dans la suggestion pure de la verticalité… mais, lorsque le tracé est plus lisible, toujours représenté debout, des pieds jusqu’à la nuque. «Corps révélés ».



La représentation théâtralise l’image, buste caché, dans l’ombre jusqu’au pubis. L’image s’apparente à une mise en scène théâtrale où se diraient des histoires énigmatiques. Plusieurs corps se rencontrent pour un échange mystérieux, êtres surgis de nulle part aux modelés paradoxaux, tout tordus par le clair-obscur. La violence du réel transparaît derrière ces ombres étranges, et l’artiste peut alors utiliser cette technique pour servir la cause d’anonymes en souffrance. Les « 165 identités anonymes », grands dessins sur papier blanc, ont permis de construire un hommage plastique aux salariés de l’usine de la Tossée (usine de peignage), licenciés en 2004. Ces grands corps, simplement dessinés, se tiennent debout, dans toute la fragilité de leur humanité,



Serge Boularot est venu à la sculpture à force d’ériger ces êtres humains de papier, dressés sur leurs pieds, matérialisation rendue possible par sa découverte du Raku dans les années 2000 avec Emile Desmedt, à l’Académie des Beaux Arts de Tournai. La technique du Raku, terre chauffée à 1000 °, puis jetée rapidement dans des copeaux de bois pour la faire refroidir très rapidement, va initier cette terre craquelée dont les coulures oxydées vont créer des fentes picturales, des veines, et l’enfumage, des noirs très intenses. Peintre depuis 1986, l’artiste a éprouvé le besoin de prendre le corps en main, de le mouler, de le pétrir pour en pénétrer l’intérieur. La sculpture achevée laisse jouer encore cette imbrication étrange des masses et du dessin, dressant un corps noir, en apparence solidement planté sur ses deux pieds, mais sans tête, ouvert sur un intérieur vide, où ne se lisent que les traces des doigts du sculpteur, pures empreintes. Le «Torse platonicien » (porcelaine, engobe et oxydes métalliques) de 2006, les corps déformés, presque torturés font davantage songer à des plantes noueuses, des arbres ou à la chrysalide vide d’un papillon qu’à l’homme lui-même. Le corps paraît constitué de fragments recollés, reste de la brisure de l’homme incarné dans le réel, dans l’absurdité de son destin, voué à la mort…

Laurence Boitel, Responsable de la Galerie de l’Atelier 2 / Espace Francine Masselis, avril 2008